The Lars Von Trier Last Frontier.
Après un an et un mois dans ce beau pays, j’ai pris une carte, j’ai gribouillé dessus les endroits où j’étais allée, et ça a donné ça :
En gros, j’ai plutôt pas mal baroudé, non ? Si on y regarde de plus près, il me manque juste un petit bout du nord de la côte kenyane, les frontières du nord et de l’est (qui ne sont pas spécialement supra recommandées), et enfin, l’Ouest Kenyan.
Et c’est comme ça qu’on s’est dit avec Clochette, let’s go girls, cap plein Ouest mon capitaine. Comme on est des grandes filles qui savent faire semblant de parler kiswahili et tout et tout, on a opté pour le voyage « Routard », pour changer.
L’aventure commence dans un bus, tôt un dimanche matin. Un gros bus avec pour destination Kisumu, trois ou quatrième plus grosse ville du pays, au bord du lac Victoria. Après une petite nuit, on dort sur une bonne partie du trajet (pas loin de 8 heures de route). Comme toujours au Kenya, les paysages changent énormément à 100 km d’intervalle. Pour la première fois, on remonte sur l’autre côté de la vallée du Rift ! Plus loin, aux alentours de Kericho, c’est le pays du thé. C’est très beau, des plantations immenses, des collines d’un vert lumineux. J’aurai bien pris des photos, mais c’est à ce moment là qu’un vrai déluge s’abat sur nous. Terreur. Mesdames, messieurs, de la grêle. De grosses billes de glace font un boucan d’enfer sur la tôle du bus. C’est quoi cette arnaque, depuis quand il grêle sur l’équateur ?!!
Je repique cette vue des plantations de thé de Kericho, prise du ciel par Yan Arthus Bertrand
Heureusement, on a pu atteindre Kisumu sans incident, et sous le soleil. L’idée en débarquant à Kisumu, c’était essentiellement de voir le lac Victoria. Parce que comme on a pu très vite le vérifier, il n’y a absolument rien à faire dans le coin, le tourisme ne s’y est pas développé pour l’instant. C’est probablement la raison pour laquelle, seules blanches à débarquer en ville, on se fait assaillir par les bodas-bodas à l’arrivée à la station de bus. Qu’est ce qu’un boda-boda ? C’est un vélo taxi, et il y en a plein dans la région ! Pour quelques shillings, on peut se faire déposer où on veut. Comme on ne sait pas exactement où se trouve notre hôtel, on décide de tenter l’expérience, nous et nos gros sacs à dos de routardes. Et on est impressionnées par la stabilité des vélos et les mollets de leurs propriétaires !
Boda-boda
Plus tard, on se balade dans le centre, du côté du marché. Je ne sais pas si c’est que la ville est plus « peace », ou si c’est qu’on commence à dégager de l’assurance de « white kenyans », mais on a presque la sensation de passer inaperçues. Rien à voir avec l’atmosphère oppressante du marché de Mombasa telle que je l’ai eu avec mes parents la semaine précédente…
Tuk-tuk dans Kisumu
Le lendemain, on retrouve un copain d’un collègue, qui doit nous emmener voir le lac. C’est le plus grand d’Afrique, et la source principale du Nil ! Il parait qu’il vaut le mieux le voir d’Ouganda ou de Tanzanie. Mais c’est déjà impressionnant d’ici. On rejoint ensuite notre étape suivante : Kakamega Forest , dernier vestige kenyan d’une forêt primaire qui s’étendait jadis jusqu’au Congo. Elle gagnerait à être plus connue, parce qu’en plus d’avoir un nom à même de faire sourire les français, elle abrite un grand nombre d’espèces végétales et animales rares, et en particulier beaucoup de singes et d’oiseaux tropicaux.
Kisumu, au bord du lac Victoria
Lac Victoria
Après avoir discuté avec les guides locaux pour organiser notre rando du lendemain, on dépose nos sacs dans une maison sur pilotis pour y passer la nuit. Clochette, qui ne se sentait déjà pas bien le matin, se met au lit en espérant que quelques heures de sommeil la requinquent. Pendant ce temps, je pars dans la forêt, mais pas trop loin, parce que je ne suis pas sûre à 100% qu’il n’y ait pas de léopard… Beaucoup de bruissements qui me font jeter des regards prudents aux alentours, mais, ouf, ce sont uniquement des singes qui sautent d’arbre en arbre à proximité du sentier. Je retrouve Clochette qui m’inquiète un peu, et qui n’a pas assez la forme pour venir manger avec moi… Je prends donc la direction de la cantine locale, dans le noir bien sûr, car l’électricité n’arrive pas jusqu’ici. Je mange dans cette cabane en ayant l’impression d’être hors du temps. Sur le banc en face de moi, deux poules m’observent manger ma cuisse de poulet, à la lueur de la lampe tempête. Mon hôte kenyane n’est pas très bavarde. Tout est calme. Je me dis qu’il y a moins d’une centaine d’année, la campagne française vivait à ce rythme là aussi, où les activités cessent doucement quand il fait nuit. D’ailleurs, il se fait tard, j’emporte la part de Clochette, et je prends la direction de notre maison. Seule sur ce chemin dans la forêt, à peine éclairé par ma lampe tempête, je ne fais pas trop ma fière ! Clochette ne va pas mieux. Dans le genre « Je teste les limites de la loi de Murphy », elle ne se défend pas mal ! Tomber malade juste la semaine de ses vacances, et pile poil quand on est au fin fond de la forêt, sans électricité et sans réseau de téléphone, youpi youpla. Si ça ne s’arrange pas, il y a toujours un dispensaire juste à côté, et au pire, il y a toujours l’option Flying Doctors, mais bon, pas glop pas glop. Or, on est censées partir en randonnée à 5h du matin… A ce moment là, je ne donne pas cher de l’expédition…
Mais, tadammm, retournement de situation, à 4h30 du matin, à peine le réveil éteint, Clochette saute littéralement dans ses chaussures de rando, j’en suis sur le cul estomaquée. Et c’est parti pour une marche de nuit, dans la forêt toujours aussi obscure et bruissante, mais accompagnées d’une guide cette fois. Objectif : grimper sur une colline pour y admirer le lever de soleil sur la forêt équatoriale.
Et ça vaut définitivement son pesant de cacahouètes. Au sommet de cette colline, on a la sensation d’être sur un îlot au beau milieu de la forêt, perdues au bout du monde. Des nappes de brume surplombent les frondaisons : c’est l’évapo-transpiration. C’est beau ! Le ciel change de teinte, rose, jaune, bleu. On a bien fait de se lever aussi tôt !
Comme Clochette tient le coup, en bonne warrior qu’elle est, on décide de s’en tenir au programme initial et de continuer la rando « longue ». Direction la rivière Yala, qui traverse la forêt. On croise plein de singes! Huit heures de rando plus tard, retour au camp, un peu mal aux pieds quand même. Juste à temps : une énorme averse nous oblige à rester à l’intérieur. Tant mieux, on fait la sieste, car on a rendez-vous à 16h avec un ami de Kosi qui doit nous emmener à Eldoret.
Red tailed colobus je crois...
Et là, la loi de Murphy continue de s’acharner sur nous. Le jeune en question n’avait absolument rien compris, et il est venu la fleur au fusil, sans voiture. A l’Ouest complet, kenyan way. Vite vite, trouver un plan de rechange. On se débrouille pour rejoindre Kakamega, la ville la plus proche, en voiture, mais on n’a pas le budget d’aller jusqu’à Eldoret comme ça. Heureusement, il y a des matatus qui font la liaison Kakamega-Eldoret… On en choisi un « de luxe », celui où on est supposés avoir une place par personne. La blague, on est 14 pour 9 places. Rien à voir ceci dit avec le matatu plus « cheap » à côté, qui accueille une trentaine de personnes pour 14 places assises. Ahahah, this is africa ! Le temps que le matatu se remplisse, il fait presque nuit, et il commence à pleuvoir, alors qu’on en a pour 2 heures de route. C’est ça, Léa, t’as tout bon, matatu de nuit, sous la pluie, sur une route pourrie… et en plus ça te fait rire ? Espèce d’inconsciente va. Mais c’est ça qui est bon aussi. C’est l’aventure…
A Eldoret, c’est Kosi, notre copine kalenjin, qui nous récupère. Ouf ! Elle s’y est installée il y a 6 mois, et c’est quand on a décidé de lui rendre visite qu’on s’est dit qu’on pourrait en profiter pour voir l’Ouest en passant par Kisumu et Kakamega. Les deux jours suivants, elle s’occupe bien de nous ; ça ouvre toujours plus de possibilités de vadrouiller avec des kenyans. On se balade dans Eldoret, qui n’est pas vraiment plus intéressante que Kisumu, mais où on a l’occasion d’aller danser. Au programme aussi, une virée en matatu qui nous emmène au bord de la vallée du rift. Près du village d’Iten, il y a un point de vue fantastique, à mon avis meilleur que celui de la route de Naivasha. C’est vraiment impressionnant !
La Rift Valley au Kerio View Point, près d'Iten
Et il est déjà temps de revenir à Nairobi.
Je n’ai plus que 72 heures à passer au Kenya…