*Où en étais-je ? Il faut dire que depuis le dernier article j’ai encore fait 2500 km et des brouettes. (l’air de rien, comment se la péter « je suis grave une routarde » excuser un retard dans la rédaction des posts…)
Ah si. Il y avait un problème avec le moteur en plein désert de Chalbi. Cool raoul, on a juste eu le temps de vérifier qu’il n’y avait pas de bande de somaliens à AK47 dans le coin d’admirer la vue du haut du toit de la voiture, avant de repartir sur les chapeaux de roue. Un peu trop à notre goût d’ailleurs : la Jeep fonce à une allure d’enfer, en soulevant des nuages de poussière de 2 mètres de haut, tandis qu’à l’intérieur on rebondit dans tous les sens. Enfin, Gabriel ralentit, et nous dit « Ouf, c’est bon, on est sortis d’affaire, jusque là je devais aller très vite sinon on risquait de s’ensabler et de rester coincés » (…aha <- rire jaune)
I've been through the desert on a horse with no name...
A partir de là, la piste devient meilleure. Soleil de plomb, désert à perte de vue, et mirages à foison: on croit apercevoir des lacs au loin. Quelques heures plus tard, des palmiers apparaissent : c’est Kalacha, un campement/village perdu au bout du monde.
A Kalacha, pas de maisons en dur, seulement des huttes arrondies. Pas d’électricité, mais quelques puits qui fournissent de l’eau de bonne qualité. On dépose nos sacs dans un camp qui dispose d’un panneau solaire, le luxe. Et on comate, en attendant que la chaleur tombe, avant de partir en expédition dans les environs. On se balade dans Kalacha, un peu mal à l’aise : les gens sont distants, voire même hostiles. Il faut dire que la vie est difficile dans ce coin là, exposé aux famines et aux tensions frontalières (et accessoirement, un seul de nos appareils photos doit valoir plus que les revenus annuels d’un des habitants, voire de tout le village…). Malgré tout, on continue jusqu’à l’Eglise, peinte de couleurs vives, et on y découvre que Jésus est noir, par ici.
Sur le retour, des gamins rient et ne s’enfuient pas, contrairement aux autres ; ils nous invitent même à entrer chez eux ! Le problème, c’est que la maman ne parle pas anglais, et pas kiswahili non plus. Elle appelle une de ses filles pour faire la traduction du kiswahili en rendille, le dialecte de leur tribu. Mais ça reste difficile de communiquer. On finit par reprendre la direction du camp. Sur le chemin, toujours des regards méfiants, jusqu’à ce qu’un ballon nous arrive dans les pattes : une trentaine de gamins de 7 à 10 ans jouent au foot. Spontanément, on rejoint le groupe, et le match se transforme rapidement en compétition Gamins de Kalacha contre les Wazungus ! On crache nos poumons, parce qu’à 4 contre 30, c’est sportif. Mais on rigole bien, les gosses sont à fond. Ça me ferait presque revenir sur mon opinion du football, sur le thème « moyen de partage, de communication universelle, blablabla finalement c’est peut-être un peu plus qu’un sport de beaufs ». Enfin, ça c’est jusqu’à ce qu’on décide de rendre les armes, après s’être vaillamment défendus (2-5 or so), et qu’au moment de partir… une seule gamine sur le bord a l’idée lumineuse de nous demander « Gimme money, gimme money ». Illico presto on a une cinquantaine d’enfants sur le dos, c’est ingérable, et alors qu’on explique qu’on n’a rien sur nous, et qu’on doit y aller, bam dans ta gueule, on se fait caillasser. A coup de graviers, ok, mais ça fait mal au cul cœur alors qu’on vient de passer une demi-heure à jouer en toute bonne humeur. Retour de flamme sur certaines réalités de l’Afrique, (le monde des bisounours n’existe pas, et d’abord, toi espèce de blanc privilégié, tu crois quoi quand tu arrives la bouche en cœur comme ça, et qu’est ce que tu peux bien connaitre de la pauvreté?).
Lundi, il est temps de dire au revoir à Kalacha (sans regrets), pour poursuivre notre route dans le désert. Prochaine étape : le lac Turkana ! Sur la piste, on croise quelques troupeaux de chameaux ; le sol de terre séchée devient progressivement rocailleux, à cause des roches volcaniques. La route est dégueu, à ce moment là, je pense que c’est probablement la pire partie du voyage (que nenni jeune naïve, que nenni). Ça grimpe, et ça secoue aussi beaucoup.
Et soudain, au détour d’un virage, une gigantesque étendue d’eau turquoise. Comme ça, sortie de nulle part au milieu du désert, entre quelques petites montagnes. Magnifique. C’est d’ailleurs le plus grand lac au monde qui soit au milieu d’une zone aride.
On longe le lac jusqu’à Loyangalani, seule « ville » du coin (là aussi, pas d’électricité, et uniquement des huttes légères). Il y a surtout deux tribus qui vivent dans le coin : les Turkanas, et les Elmolos. Les femmes Turkanas s’habillent de vêtements très colorés, et portent des colliers de perles superposés. Les Elmolos constituent la plus petite tribu kenyane : ils sont à peine une centaine (avec pourtant leur langue propre)!
Le camp où on s’installe est à faire peur à une parisienne vraiment rudimentaire. Hum, au vu des chiens qui rentrent dans nos huttes, du ruisseau très douteux qui traverse au milieu, et surtout, des chauves-souris qui volent dans la fosse qui fait office de toilettes, pas de doute, on a choisi l’option routard +++. En vrai, je vais casser le mythe des aventuriers qui n’ont pas froid aux yeux, mais les chauves-souris furent la goutte qui fit déborder la fosse sceptique. C’est comme ça qu’on a atterri dans un autre camp, deux « rues » plus loin, qui avait, ô joie, de vraies douches et de vrais WC (éléments que nous n’avions pas depuis le début du voyage, je vous le rappelle). A tel point que Po s’est retenue d’embrasser le gérant, submergée de bonheur en découvrant lesdits sanitaires.
Entre temps, on s’était aventurés au bord du lac, en croisant sur le chemin nombre de gamins. Contrairement à ceux de Kalacha, ils sont ravis de nous voir, viennent discuter, tiennent absolument à se faire photographier, et nous accompagnent jusqu’aux rives. Les adultes restent toujours à distance, par contre, à l’exception d’un ou deux pêcheurs rencontrés au bord du lac. Malgré la chaleur, on n’ose pas se baigner, car le lac est réputé pour être infesté de crocodiles du Nil !
Programme du lendemain : réussir à atteindre South Island, une île au sud du lac (obvious, isn’t it ?), paradis des oiseaux. Il faut payer des droits au Kenyan Wildlife Service, mais c’est à nous de trouver le bateau pour nous y rendre. C’est dans ce but que l’on rejoint un des villages ElMolo, où un des vieux pêcheurs possède un bateau à moteur. Mais le filou nous demande un prix exorbitant, à payer à l’heure. D’après lui, il faut compter 6 heures aller-retour, alors que d’après Clochette, qui l’a fait 10 mois avant, 1 heure et demi suffit largement. Baleine sous gravillon. Pour beaucoup, mzungu = pigeon, et ça commence à courir sur le haricot, à force. Après une âpre négociation, on finit par s’entendre. Sauf que, de retour au bureau de KWS, le responsable nous annonce qu’il y a beaucoup trop de vent, et qu’il est très dangereux de s’aventurer sur le lac dans ces conditions (je vous rappelle qu’il y a en plus plein de crocos dedans, comme ça, c’est cool, si tu ne finis pas noyé, tu peux finir dans l’estomac d’un saurien, c’est quand même vachement plus exotique, comme mort).
Comme ce vent-qui-rend-fou n’a pas daigné se calmer de la journée, on a décidé de balader autour du lac, et de trouver un coin où se baigner. On a fini par dégoter une crique sans danger, où des enfants pataugeaient joyeusement, et je peux donc dire fièrement « j’ai nagé dans le lac Turkana ! » (ok, je ne me suis pas aventurée bien loin… on ne sait jamais, pour les crocos…). On est restés dans le coin jusqu’au coucher du soleil, et ça valait le déplacement !
Mercredi, il est temps de reprendre la route (la perspective de rester encore des heures dans la voiture n’est pas particulièrement excitante, et encore, on ne sait rien de ce qui nous attend). On embarque aussi trois étudiants kenyans venus visiter leur famille à Loyangalani et qui veulent rentrer à Nairobi (car il n’y a aucun bus qui s’aventure jusqu’au lac, juste des camions de temps en temps). Ils doivent y reprendre les cours, de droit pour l’une, d’ingénierie aéronautique pour le 2e, et de business pour le 3e.
C’est en quittant les rives du lac que les choses se corsent. La piste devient horrible, horrible, horrible. En plus, il parait que c’est la zone un peu touchy, elle a été pacifiée par l’armée kenyane, mais bon, on n’est pas à l’abri de tomber sur une bande armée. D’ailleurs, alors qu’on atteint un point de vue magnifique sur une vallée en contrebas, et qu’on aimerait bien s’arrêter pour prendre des photos :
- Hey Gabriel, est ce qu’on peut s’arrêter ici juste deux minutes?
- Je ne préfère pas, ce n’est pas une bonne idée de sortir de la voiture dans le coin…
- Ah… ok…
On finit par atteindre Baragoi, un bled perdu mais qui dispose d’une station essence. Toujours pas de route goudronnée à notre grand désespoir. Et ça continue comme ça jusqu’à Maralal, où on s’arrête pour passer la nuit. Bien besoin de repos… Car l’enfer n’est pas fini. Ce n’est qu’en fin de matinée que l’on retrouve une vraie route (ahhhh l’instant où on est repassé sur du bitume, un pur bonheur). Seul arrêt digne d’être mentionné, les Thomson’s Falls, des chutes de 80 mètres de haut. On ne coupe pas aux embouteillages de Nairobi, mais on fonce à notre restaurant italien préféré pour conclure le voyage en beauté !
*la rédaction tient à s’excuser de la longueur du post, le voyage au Turkana aurait bien mérité d’être développé en 3 ou 4 articles distincts. Mais les sujets suivants attendent déjà leur tour et je dois aussi faire mes valises, accessoirement ! Bisous les loulous !